« Ce film est né de l’envie de comprendre et de montrer le processus de création au théâtre. Quelles sont les grandes étapes de la création d’une pièce ? Comment donne-t-on vie à un texte ? Qu’est ce qui fait que l’on y croit ? De quoi est fait le jeu du comédien ?
NOTE D'INTENTION DE LA REALISATRICE
Peu de moyens existent pour se représenter concrètement le quotidien de la création dramatique.
Le travail de création peut être un peu abstrait, on a l’image de l’auteur seul devant sa page blanche, avec les idées qui jailliraient en un instant. Le film raconte au contraire ce qui constitue plus souvent la réalité : les tâtonnements, les doutes, la dimension collective, et comment le texte et la mise en scène prennent forme en une suite d’essais et de micros décisions.
Ce processus, je souhaitais le montrer en suivant l’élaboration d’une même scène. Le but : donner à ressentir comment tout se met en place, comment la justesse et la vraisemblance apparaissent, pas à pas, de répétition en répétition.
Dans une scène du film par exemple, on voit d’abord un acteur qui joue à être Kevin, le personnage qu’il doit interpréter. Puis, à mesure que le film avance, Kévin se met à exister. Le film invite à découvrir par quel cheminement ce personnage prend vie : le rythme du texte, la simplicité du jeu, les intonations aux bons endroits, la musique en adéquation parfaite avec les mots. Le spectateur est convié dans cet espace où acteurs et metteur en scène travaillent à lui faire croire à ce qu’il va voir.
Le film montre l’aspect artisanal du théâtre. Avec son équipe, Alexis Michalik compose sa pièce en direct au plateau à l’aide de différents outils : le corps des comédiens, leurs voix, le rythme de leur paroles, les retournements de situation... On voit comment, tel un sculpteur qui commence par l’ébauche puis finit par le polissage, le metteur en scène met en place les « gros blocs » (l’histoire, la mise en espace, l’incarnation des personnages) puis comment il va de plus en plus dans le détail, ajoutant par exemple une note de piano ici, un silence là. Le film nous plonge également dans la pratique et la technique du jeu d’acteur. On mesure que l’apprentissage du texte ne suffit pas. Passer par une mémoire et un travail du corps et de la voix est un passage obligé.
Répétitions et redites font partie du spectacle vivant et du cinéma. Des récits de tournage mentionnent parfois de très nombreuses prises, plus d’une centaine avec certains réalisateurs. Comment peut-il être nécessaire de répéter autant de fois la même chose? Le film met l’accent sur ce qui se joue à ce moment-là, et comment, en ajoutant un ingrédient à chaque fois, on peut se rapprocher d’une version de plus en plus juste.
Lorsque qu’un spectacle est réussi, on ressent une forme d’évidence, tout paraît simple et l’on pourrait facilement l’attribuer au seul génie de l’auteur. Le film prouve à l’inverse combien la simplicité est difficile à atteindre. Il montre l’ampleur du travail à accomplir et l’exigence nécessaire. Le travail de l’auteur et du metteur en scène est invisible dans la mesure où il n’apparaît que si l’illusion est rompue, si on voit les « ficelles ». Si l’on y croit, si l’on est plongé dedans, c’est aussi parce qu’il y a eu cette minutie invisible en amont.
Parallèlement à cela, mon intention a été de faire découvrir les grandes étapes du montage d’un spectacle : mise en scène du texte, création des lumières, du décor, choix des costumes, dernières répétitions sur scène, première représentation.
Enfin j’ai voulu permettre au spectateur de faire partie de ce huis clos, lui faire vivre cette expérience avec la troupe et être porté par l’émotion créée par la pièce d’Alexis Michalik.